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3 décembre 2008 3 03 /12 /décembre /2008 22:05

Serge Chaumier, professeur à l'Université de Bourgogne, a publié un article consacré aux musées de Corée du Sud dans La lettre de l'OCIM (Office de coopération et d'information muséographiques) de mars-avril 2007. L'AAFC-Bourgogne reproduit ci-dessous l'article du professeur Serge Chaumier, en soulignant tout particulièrement sa conclusion : "Si des collaborations existent entre l’université de Bourgogne et des universités coréennes, nous ne pouvons qu’encourager les institutions muséales à entreprendre de développer des collaborations à l’avenir, car la France a beaucoup à apprendre de ce dynamisme coréen".

Si l’icône traditionnelle de la Corée est le pays du matin calme et serein, sa devise contemporaine est celle du « pays dynamique ». En effet, avec un taux de croissance d’environ 5 % (encore à 10 % en 2000), ce petit pays d’à peine 50 millions d’habitants, dont plus du tiers réside dans la capitale, est en plein développement économique, mais aussi culturel. Car ce pays capitaliste n’a oublié ni la formation, avec plus de 200 universités à Séoul, et 90 % d’une classe d’âge étudiante, ni l’importance du développement culturel. Ainsi après avoir investi dans l’industrie et les services, une conscience vive de devoir se positionner comme un levier culturel en Asie conduit non seulement à l’investissement privé, mais aussi public. La culture est considérée comme un secteur essentiel pour peser sur la scène internationale. Aussi les centres des arts, les théâtres, les salles de concert, les musées, galeries et expositions se sont multipliés depuis dix ans. La seule Séoul National Université est entourée d’une quarantaine de théâtres, de toutes sortes, commerciaux ou publics et plus exigeants dans leurs programmations. Il n’y a pas à Séoul un centre ville qui regroupe les institutions culturelles, mais des quartiers nombreux dont chacun possède ses propres atouts. Flambants neufs, tous ses équipements sont fréquentés avec avidité par une population nombreuse.

Ce qui frappe en visitant les musées de Séoul, c’est non seulement leur modernité et souvent leur récente rénovation, mais c’est la présence massive des enfants, que ce soit en groupe scolaire, ou en visites individuelles avec leurs parents. La co-éducation y est courante, puisque la visite des musées fait partie d’une sortie habituelle qui ne revêt pas un caractère exceptionnel. Les fins de semaine sont ainsi régulièrement occupées à des visites culturelles familiales. Il faut préciser que l’accès en est facilité par un prix d’entrée très peu élevé, voire dérisoire, de l’ordre de 1 à 2 euros, dans un pays au niveau de vie largement comparable à celui de la France. Terrain d’exploration de la culture, les musées sont des instruments pour accompagner le développement individuel et compléter un parcours scolaire objet de toutes les préoccupations parentales. Car le budget pour l’éducation arrive en tête des dépenses des familles. Pour cette raison, les services éducatifs sont très développés, et rares sont les musées qui ne proposent pas des espaces ou des médiations spécifiques, voire un musée pour enfant en lien avec le musée principal. C’est le cas, aussi bien au National Folklorique Muséum qu’au musée national de Corée.


Les musées les plus nombreux sont ceux qui présentent l’identité coréenne, avec des musées d’arts et traditions populaires, mais aussi des musées d’arts traditionnels. Ainsi de très belles collections d’objets religieux bouddhistes, d’estampes et de calligraphies, mais aussi d’arts décoratifs, avec les céladons et porcelaines, sont présentes dans de nombreuses institutions. Ce qui est remarquable, c’est leur mise en valeur, avec des présentations rénovées ou conçues très récemment dans des écrins réalisés par de grands noms de l’architecture internationale.


Le musée national de Corée (
www.museum.go.kr/eng/index.jsp) implanté depuis 2005 dans un nouveau bâtiment de 100 000 m2 abrite une partie des trésors nationaux, mais aussi plus largement des arts asiatiques, dans un grand parc aménagé. Si les musées publics sont nombreux, les galeries et musées de fondation rivalisent en faire valoir. Ainsi les épouses des grands dirigeants d’entreprise s’adonnent aux collections d’arts et s’enorgueillissent de les montrer avec le plus d’éclat. À ce titre la Fondation Samsung de Leeum est emblématique.

Dans trois bâtiments signés par Rem Koolhaas, Mario Botha et Jean Nouvel, inaugurés en 2004 et 2006, des magnifiques collections d’arts sont mises en valeur avec une muséographie où le luxe des matériaux entend signifier l’importance de la collection et de son propriétaire. Si dans ce cas, l’entrée y est sélective et onéreuse, le lieu dévoile à l’extrême la montée en puissance d’une société tout entière. Car loin d’être exceptionnel, c’est plutôt le phare d’une tendance plus générale. Même les universités disposent de leur musée, ainsi la Korea University dont le musée inauguré en 2005 regorge de trésors présentés dans une très belle scénographie.


La Corée est, comme beaucoup de pays d’Asie, très friande de l’art occidental, et de nombreuses expositions sont ainsi présentées, par des musées ou par des sociétés privées qui disposent ainsi d’un commerce prisé. Lors de notre passage, une exposition
  Magritte au Séoul Muséum of Art, une autre intitulée De Van Gogh à Picasso, avec les collections du musée d’arts de Cleveland montrées dans un grand complexe des Arts, Niki de Saint Phalle au musée d’Art contemporain ou encore une exposition de 70 tableaux de paysage en provenance des collections du Louvre au musée national de Corée attiraient toutes un public très nombreux et très disciplinés. Les files d’attente et l’observation des publics durant les visites dévoilent une attention soutenue et méthodique. Une effervescence et une impatience à se confronter à de nouveaux contenus est manifeste comme souvent dans les pays jeunes qui ont connu il y a encore peu de temps des régimes autoritaires où la culture était peu favorisée. Un appétit remarquable envers la culture est appréciable, puisque le public y est majoritairement coréen et composé de très peu de touristes. Les grandes expositions internationales sont accueillies à Séoul avec beaucoup d’attentions et de ferveur.

L’autre composante essentielle de la muséographie coréenne réside dans les musées et galeries d’Art contemporain. Si la Fondation Samsung présente également un second musée d’Art moderne et contemporain, juxtaposé au premier, ainsi que des expositions temporaires, d’autres galeries très nombreuses font le choix de montrer la jeune création et de miser sur un art largement internationalisé (ainsi Artsonje Center, la galerie de Kumho ou encore le Sejong Center for Performing Arts). Le musée d’Art contemporain de Séoul (www.moca.go.kr/Modern/eng/main.html), installé à la lisière d’un parc d’attractions à Gwacheon, dans un bâtiment prestigieux et imposant, entouré d’un parc de sculptures, présente des oeuvres de la création coréenne, mais aussi une savante sélection d’artistes internationaux. L’artiste Nam-June Paik y a évidemment et légitimement une place de choix.


Le projet gouvernemental actuellement en cours de réalisation à Gwangju, au Sud du pays, s’appuie sur une biennale d’Art contemporain de bonne renommée, mais aussi sur une forte volonté politique de peser dans la création contemporaine en Asie. Avec environ 85 000 m
2, le complexe culturel vise à repenser entièrement l’urbanisme de la ville, à partir de ce centre, et d’offrir un lieu de maturation à des projets artistiques, un mémorial compte tenu des événements historiques dramatiques qui s’y sont déroulés pour l’histoire du pays, ainsi qu’un lieu de ressource pour les habitants. L’espace de préfiguration montre déjà l’ambition du projet et son insertion dans les problématiques esthétiques contemporaines. La réalisation en est attendue pour 2010.

Même si ils sont moins nombreux les musées d’Histoire et d’Ethnographie sont également présents, avec des sites plus discrets mais tout autant fréquentés, notamment par les scolaires. Le musée d’Histoire de Séoul (www.museum.seoul.kr), inauguré en 2002, n’a rien à envier aux plus modernes centres d’interprétation Québecois, il permet la lecture d’une ville et de son urbanisme à partir de ses palais royaux et de ses temples qui en ont constitué le coeur.

Des bornes multimédias, en chinois, japonais, anglais et même en français permettent aux visiteurs étrangers de suivre le discours de Séoul au travers des âges jusqu’à la partie contemporaine, il est vrai moins présente. Inauguré en 1992, le musée du Palais sur le site de Gyeongbokgung propose également une interprétation de la vie dans la cité royale à partir des collections historiques de l’époque du royaume de Joseon (1392-1910), mais aussi des rites ancestraux, de la science et la médecine. Dans le même endroit, le National Folk muséum (www.nfm.go.kr:8080/french/french1.htm), présente des dioramas extraordinaires de la vie quotidienne, de l’artisanat et des métiers d’art. Rénové en 1993, il est accompagné lui aussi d’un musée pour enfants. Le visiteur attentif pourra également visiter le musée de la musique traditionnelle coréenne, qui déçoit sans doute par sa muséographie désuète, bien que récente, datant de 1995, mais malgré tout logé dans un bâtiment original. Un document d’aide à la visite très complet et très soigné y est remis gratuitement, le lieu étant par ailleurs d’accès libre.

Notons un endroit très curieux et assez morbide pour nos habitudes occidentales, dans l’ancienne prison de Seodaemun. Lieu de détention, mais aussi de torture des Coréens par les miliciens japonais lors de l’occupation, et par conséquent lieu de mémoire et de commémoration pour la population, le projet muséographique n’a pas hésité à produire des ambiances reconstituées. Le traumatisme est exorcisé et les Japonais stigmatisés dans les différentes scènes de torture présentées. Des dioramas avec des personnages qui plus est animés de mouvements et poussant même des cris produisent un effet absolument effrayant sur le visiteur. Les cachots sont ainsi peuplés de présences plus abominables les unes que les autres, dévoilant la brutalité de l’occupant et appelant à se recueillir sur les martyres nationaux. Évidemment, la démonstration n’est pas exempte de positions clairement idéologiques, comme toujours dans les lieux de mémoire de ce type. La visite si elle produit beaucoup d’émotions et laisse dans un grand malaise est fort intéressante d’un point de vue muséologique. Remarquons que les groupes scolaires très nombreux dans la place ne semblent pas ressortir traumatisés de l’expérience.

Les musées de sciences sont un peu les parents pauvres, mais malgré tout, le musée de Science de Séoul, plus ancien puisque datant de 1972, est un bâtiment immense de quatre étages, auquel s’ajoute un autre immeuble pour les services et les expositions temporaires (lors de notre passage était présentée une exposition sur les machines de Léonard de Vinci).


Si la scénographie est étonnante, faisant un peu penser à un magasin d’arcades où les jeux seraient remplacés par des manips, du fait de leur alignement indépendantes les unes les autres, ce lieu destiné aux enfants connaît également une fréquentation impressionnante. Des animateurs nombreux proposent des expériences dans des ateliers pédagogiques ouverts à tous, aux groupes comme aux individuels. Il est à noter aussi qu’au pays des écrans plats et de la technologie, les manips nombreuses dans les musées que nous avons eu l’opportunité de visiter ne sont pas très souvent électroniques. Elles font plutôt appel à l’inventivité, à la construction mécanique et au montage et démontage, comme si le musée devait présenter autre chose que des écrans, par ailleurs omniprésents dans la vie quotidienne.

La partie Science naturelle est un peu surprenante pour un habitué des muséums français, puisque les concepteurs n’hésitent pas à mettre en scène dans des dioramas aquatiques des poissons en plastique, ce qui présente un avantage sérieux pour l’identification par cartels ! L’entretien est évidemment facilité par rapport à nos aquariums habituels ! Les autres animaux sont présentés dans des dioramas plus classiques. Un nouveau projet de muséum est à l’étude et devrait voir le jour à Séoul dans les prochaines années. Pour le moment, ce sont plutôt les musées en région qui présentent la nature coréenne. Car les parcs sont nombreux, comme le sont les sites patrimoniaux, dont sept inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Il faut également mentionner que l’art en espace public est également présent, bien qu’inégalement selon les quartiers, ceci grâce au système du 1 % sur les constructions publiques, mais aussi privées, ce qui a permis d’égayer de sculptures de nombreuses rues et de sensibiliser ainsi la population à l’art dans son quotidien. La réhabilitation et l’aménagement de l’ancien passage de la rivière Cheonggyecheon au centre ville témoignent d’une volonté de rénovation urbaine, mais aussi d’intégrer la dimension artistique et culturelle au coeur de la cité, avec des expositions  in situ en espace extérieur sur le patrimoine, des installations et des scènes pour le spectacle vivant.


Face à ce développement remarquable, il est souhaitable que des échanges puissent se concrétiser entre la France et la Corée, car il est certain que des apports réciproques peuvent être bénéfiques. Si des collaborations existent entre l’université de Bourgogne et des universités coréennes, nous ne pouvons qu’encourager les institutions muséales à entreprendre de développer des collaborations à l’avenir, car la France a beaucoup à apprendre de ce dynamisme coréen. Mentionnons que la Fondation Koréa (
www.koreana.or.kr) publie une luxueuse revue sur les arts et la culture en Corée en langue française pour initier ceux qui ont envie de mieux connaître ce pays.

Serge Chaumier

Professeur à l’université de Bourgogne

Centre de recherche sur la Culture, les Musées et la Diffusion des Savoirs

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